Pourquoi une entreprise s’investirait-elle sur les problématiques du logement ?

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Action Logement (plus connu sous sa dénomination 1% logement) a été créé pour être l’outil financier et opérationnel des entreprises en matière de logement des salariés. Pourquoi faudrait il donc que les entreprises s’investissent au delà de leur contribution réglementaire ?

Un petit peu d’histoire

Les entreprises ont longtemps été des moteurs essentiels de la production de logement. Elles ont contribué massivement à l’urbanisation des territoires industriels, à leur transformation, là où les politiques publiques seules ne permettaient pas de répondre aux très importants besoins en logement corrélatifs du mouvement d’industrialisation.

Les entreprises se sont cependant progressivement éloignées de ces considérations souvent associées à des doctrines paternalistes de gestion des ressources humaines.

Le législateur, lui-même a tenu les entreprises à distance des politiques de l’habitat et du logement en introduisant une indispensable indépendance du bail et du contrat de travail, préservant le salarié de perdre à la fois son emploi et son logement.

En 1953 était créé le mouvement du 1% logement, chargé de collecter les versements obligatoires des entreprises les plus importantes et de le réinvestir dans la production de logement et dans les aides aux salariés.

Parallèlement, les entreprises propriétaires de parc de logement, filialisaient ou se séparaient de leur patrimoine immobilier.

Aujourd’hui rares sont les entreprises, qui ont encore une action organisée en matière de logement de leur salariés. Les organismes collecteurs du 1% se sont profondément réorganisés, leurs objectifs profondément remaniés. Ils contribuent d’une façon désormais importante à la mise en œuvre des politiques nationales (rénovation urbaine, amélioration du parc de logement ancien) et d’aucuns émettent des inquiétudes sur leur capacité d’actions auprès des entreprises.

Ce qui change

Si Action Logement a su répondre à ces enjeux pendant des décennies, c’est en partie grâce à une relative stabilité de certains modèles :

  • Stabilité relative des entreprises, des marchés et du modèle social ;
  • Stabilité des formes d’emploi, de travail et de revenus ;
  • Stabilité relative des marchés immobiliers ;
  • Stabilité relative des règles d’urbanisme et de gouvernance locale ;
  • Stabilité relative des modèles familiaux et résidentiels.

 

Ces modèles ont profondément évolués ou sont en cours d’évolution, le plus souvent dans le sens d’une atomisation et d’une dispersion des compétences et des responsabilités.

La démographie des entreprises (et corrélativement celle de l’emploi), se traduit par une migration géographique sans précédent (y.c. aux plus belles heures de l’industrialisation) et une transformation profonde des modes de travail. Caricaturalement, l’emploi industriel du Nord et de l’Est de la France se transforme en emploi de service à l’Ouest et au Sud.

Évolution communale de l’emploi entre 2005 et 2010

 

Source : UNISTATIS, réalisation Urbalterre

Les formes du travail et de l’emploi demandent désormais aux salariés une mobilité beaucoup plus importante. Mobilité professionnelle et mobilité géographique font désormais partie intégrante d’une carrière et pas seulement pour les cadres. Les périodes d’instabilité (les plus sensibles du point de vue du logement) se multiplient et ne peuvent plus être considérées comme des exceptions. A la question de la géographie se superpose en plus celle du temps, des horaires de travail plus flexibles (quand ceux des écoles ne peuvent l’être), parfois plus segmentés (temps partiels), moins productif (temps de transport de plus en plus aléatoire…).

Les marchés immobiliers ont dans le même temps connu une évolution sans précédent. Au cours des années 2000, les prix moyens ont « en moyenne » plus que doublé, reportant sur le parc social (au cout maîtrisé) une pression que son insuffisance numérique (et singulièrement dans les régions en forte progression du sud et de l’ouest) ne saurait absorber.

Source : INSEE. Réalisation Urbalterre

La décentralisation, la (très) difficile mise en place de modèles locaux de gouvernance à l’échelle de bassin de vie de plus en plus étendus, n’a pas milité, dans le même temps, pour une production équilibrée d’une offre de logement répondant aux besoins d’une économie en pleine transformation, ni pour celle d’une offre de transport à l’échelle des besoins.

Les familles à loger ne sont plus les mêmes. Plus nombreuses, moins grandes, plus instables dans leur composition, elles transforment profondément la nature de la demande en logement, mais également les stratégies d’implantation. Les familles doivent composer non seulement avec l’emploi du conjoint mais également avec le lieu de résidence de « l’ex » voire des « ex », la garde partagée, la disponibilité d’une nounou, l’horaire de la crèche et des écoles, la proximité des grands-mères…

Les dysfonctionnements de l’offre de logement freinent les mobilités, à l’inverse des attentes des entreprises. La difficulté (réelle ou seulement crainte) de ne pouvoir se reloger décemment fait renoncer des ménages aux risques de la mobilité professionnelle.

Des entreprises peinent à recruter, perdent en compétitivité, envisagent de se relocaliser au détriment de territoires devenus « inhospitaliers » à leur développement.